Bouclier
antimissile: la Pologne confrontée à un choix décisif pour tout
l'Occident
Dépêche
AFP, Prague le 10 janvier 2008
Pressée par Washington d'accepter des éléments de son bouclier
antimissile, la Pologne est confrontée à un choix qui risque
d'impacter tout le système de sécurité occidental, soulignent
des analystes. "L'adoption d'un système de défense antimissile
en Pologne provoquerait un tournant majeur dans la réflexion
stratégique occidentale", affirme Benjamin Schreer, un analyste
de la Fondation Science et Politique (SWP), basée à Berlin.
Pour compléter leur bouclier antimissile, les Etats-Unis souhaitent
implanter d'ici à 2012 dix lance-missiles intercepteurs en Pologne
et un radar ultra-perfectionné en République tchèque pour parer
à une éventuelle menace de l'Iran contre le territoire américain.
"Ce pourrait être la première étape d'une nouvelle architecture
de la sécurité mondiale", affirme Tim Williams, un analyste
de l'institut de recherche britannique RUSI. "Cela consiste
à passer de la pratique actuelle de la dissuasion fondée sur
des armes offensives à une dissuasion fondée sur la défense
et la privation - on prive l'ennemi de la capacité de frapper",
a-t-il expliqué à l'AFP.
Benjamin Schreer pense qu'une telle stratégie pourrait permettre
à l'Occident de diminuer sa dépendance des armements nucléaires
comme garantie première de sa dissuasion. Le projet n'a pas
encore totalement convaincu en Europe. Certains critiques estiment
qu'il risque de relancer une nouvelle course aux armements.
Ils soulignent combien la Russie est furieuse à l'idée que
les Etats-Unis implantent des systèmes de missiles à moins de
200 kilomètres de ses frontières. Moscou a déjà suspendu l'an
dernier sa participation au Traité sur les forces conventionnelles
en Europe, qui limite les armements sur le continent.
D'autres arguent que les technologies d'interception sont incertaines
et très coûteuses et qu'il n'existe pas de menace vraiment crédible
pour justifier ces dépenses. Mais Benjamin Schreer estime que
les objections de Moscou ne feront pas capoter le projet en
fin de compte. "La Russie sait parfaitement qu'elle ne peut
arrêter le bouclier antimissile tout comme elle n'a pas pu empêcher
l'extension de l'OTAN jusqu'à sa porte", dit-il. Il souligne
aussi que la Russie partage les inquiétudes de l'Occident face
à un Iran qui serait doté d'armes nucléaires.
Dans l'immédiat, le principal obstacle risque d'être la Pologne
elle-même, où le nouveau gouvernement libéral de Donald Tusk
a adopté une attitude beaucoup plus circonspecte que celle des
frères jumeaux conservateurs Kaczynski. "Notre accord sur l'installation
d'éléments du bouclier américain est lié à la possibilité de
renforcer la sécurité de la Pologne", a déclaré mercredi le
M. Tusk.
Le nouveau gouvernement a augmenté le prix à payer et a mis
dans la balance la fourniture par les Américains d'un système
de défense anti-aérienne multicible de dernière génération.
Même si les Etats-Unis donnent leur accord rapidement, nombre
d'analystes doutent que la Pologne signe quelque chose avant
de connaître le résultat de l'élection présidentielle américaine
de novembre. "Ce n'est certainement pas une décision à prendre
rapidement, il faut attendre le résultat des élections", estime
Wojciech Luczak, un expert militaire indépendant polonais.
Le chef de la diplomatie polonaise Radoslaw Sikorski a récemment
alimenté les spéculations en affirmant:
"Le pire scénario, ce serait un accord (..) de la Pologne,
qui en supporterait tous les frais politiques, alors que la
base ne serait pas construite en raison d'un changement de gouvernement
aux Etats-Unis". Mais, jeudi à Prague, Donald Tusk s'est défendu
de "jouer la montre".
Il a affirmé qu'il n'était pas dans l'intention de la Pologne
d'attendre délibérément le résultat de la présidentielle américaine.
stringer AFP ¦ Le Premier ministre polonais Donald Tusk et le
président tchèque Vaclav Klaus, à Prague le 10 janvier 2008
© 2008 AFP
Le
PM polonais satisfait de la position tchèque concernant le bouclier
anti-missile
Dépêche
XINHUA, Varsovie, 2008-01-11 09:08:41
VARSOVIE, 10 janvier (Xinhua) -- Le Premier ministre polonais,
Donald Tusk, s'est dit satisfait que la République tchèque et
la Pologne partagent des vues similaires concernant les projets
américains d'installation de certains éléments du bouclier anti-
missile dans les deux pays.
"Cest avec une grande satisfaction que j'ai reçu de la partie
tchèque et du Premier ministre Topolanek l'information selon
laquelle la Pologne et la République tchèque s'entendent sur
les questions relatives à l'installation du bouclier," a déclaré
M. Tusk à l'agence de presse polonaise PAP.
M. Tusk, qui effectue une visite d'une seule journée en République
tchèque, a souligné que les demandes de la Pologne concernant
le bouclier ont bien été entendues par le Premier ministre tchèque.
Il a souligné que la Pologne et la République tchèque ne comptent
pas ralentir ni accélérer les négociations concernant le bouclier
anti-missile. La chose la plus importante n'est pas le rythme
des négociations mais surtout de voir si les demandes des parties
polonaise et tchèque sont respectées, a ajouté M. Tusk.
La
Pologne veut-elle toujours du bouclier antimissile ?
Le
Courrier International, 08/01/2008
Dans un entretien accordé à la version polonaise de Newsweek,
le Premier ministre polonais Donald Tusk s'est prononcé contre
toute décision hâtive concernant le projet américain de bouclier
antimissile dans son pays. Radoslaw Sikorski, ministre polonais
des Affaires étrangères, a également indiqué dernièrement qu'aucune
décision n'avait été adoptée. Ce projet est-il compromis ?
International Herald Tribune (France) "L'approche du nouveau
gouvernement de coalition de centre-droit dirigé par le Premier
ministre Donald Tusk en ce qui concerne le système de bouclier
antimissile reflète une stratégie de négociations différentes
de celle du gouvernement nationaliste-conservateur dirigé par
Jaroslaw Kaczynski. Kaczynski, qui était beaucoup plus pro-américain,
avait, selon les officiels polonais, accepté le principe de
l'installation de plusieurs intercepteurs sur le territoire
polonais sans étudier en détails la question des coûts, de la
maintenance et celle des risques pour la sécurité de la Pologne",
note Judy Dempsey. "L'OTAN pourrait aussi être appelée à intervenir.
Les diplomates de l'Alliance ont affirmé que la Pologne insisterait
sur le rôle de garant de l'OTAN dans l'hypothèse où le système
de bouclier antimissile viendrait à intégrer le système de défense
antibalistique de l'alliance. Cela signifie que si la Pologne
était menacée ou attaquée, l'OTAN serait obligée de venir à
son secours."
Süddeutsche Zeitung (Allemagne) Le Premier ministre polonais
Donald Tusk souhaite associer la Russie aux discussions sur
le bouclier antimissile. Selon le quotidien, il s'agit d'une
position raisonnable que son prédécesseur "Jaroslaw Kaczynski
avait rejetée avec fermeté en invoquant la souveraineté de la
Pologne. Donald Tusk n'a aucune raison de se hâter [pour accepter
le projet américain], d'autant plus que le gouvernement Bush
quittera ses fonctions à la fin de l'année. Par conséquent,
Tusk ne rendra pas sa décision avant l'année prochaine. Le ministre
des Affaires étrangères Radek Sikorski a fait preuve de franchise
en évoquant les motifs politiques d'une telle manoeuvre : certes,
le bouclier antimissile protégerait les Etats-Unis, mais la
Pologne deviendrait une cible potentielle. Par ailleurs, la
Pologne n'a pas reçu de menaces de la part de l'Iran. (...)
Enfin, le Premier ministre dispose d'un autre argument pour
repousser l'application du projet : l'écrasante majorité des
Polonais y est opposée, tout comme elle désapprouve résolument
l'engagement polonais en Irak."
Sme (Slovaquie) Peter Schutz cherche à savoir si les déclarations
du Premier ministre Donald Tusk visent à le renforcer dans les
négociations en cours ou bien s'il s'agit d'une nouvelle orientation
de la politique étrangère polonaise. "Cette nouvelle ligne de
conduite ne complique pas uniquement la vie aux Tchèques qui
placent leurs espoirs dans ce projet mais compromet également
la sécurité de toute la région. Peu importe que l'Iran cherche
ou non à se doter de missiles : en cette période de 'poutinisation'
à grande échelle de la Russie, alors que l'OTAN est incapable
d'afficher une quelconque unité et que l'UE reste une force
militaire négligeable, la question ne porte pas sur une dizaine
de missiles déployés en Pologne mais sur la présence physique
des Etats-Unis dans cette région."
Source: Le
Courrier International.