Les États-Unis lancent le projet de bouclier antimissile:
Les États-Unis ont dénoncé le Traité anti-missiles balistiques
(ABM Treaty) en 2002, qu'ils avaient signé 30 ans auparavant
avec l'Union soviétique. Ce traité interdisait le développement
de systèmes antimissiles. LeTraité sur l'espace extra-atmosphérique
(Outer Space Treaty) signé en 1967 interdisait toute militarisation
de l'espace. Le projet de bouclier antimissile a été officiellement
lancé en 2005. Enfin, en 2006, la politique spatiale américaine
a été revue et notamment, les USA déclarent officiellement qu'ils
ne se considèrent plus limités dans l'utilisation de l'espace
[1].
Le bouclier antimissile comprend l'installation de stations
radars en Californie, en Alaska, au Groenland, au Royaume-Uni
et en République tchèque. Des missiles intercepteurs seront
installés en Californie (4), en Alsaka (40), en Pologne (10),
et sur des bateaux (130). Enfin, les USA disposent depuis 2001
d'un réseau de bases autour de la Russie : Bulgarie (4), Roumanie
(4), Pologne (1), République tchèque (1), Kosovo (2), Géorgie,
Azerbaïdjan (plusieurs), Irak (6), Afghanistan (3), Pakistan
(plusieurs), Koweït (1), Kyrgystan (1), Djibouti (1). Le Pentagone
pousse à l'installation de missiles intercepteurs près des frontières
de la Russie, en particulier en Alaska et en Pologne.
Contrairement à sa dénomination, dans la vision des néoconservateurs
américains, le bouclier antimissile n'est pas un dispositif
de défense. Leur rêve en passe d'être réalisé et de disposer
enfin d'un système qui permette aux USA de frapper massivement
la Russie et ses missiles intercontinentaux, et de détruire
les quelques missiles qu'ils ne pourront frapper à l'aide des
intercepteurs. Une attaque unilatérale de la Russie ne pourrait
en effet pas être prévenue par ces missiles intercepteurs. Les
États-Unis espèrent ainsi disposer d'un outil de supériorité
militaire vis à vis de la Russie, leur cible principale. Nous
voici revenus aux pires moments de la Guerre froide.
Les États-Unis souhaitent-ils réellement attaquer un jour la
Russie ? Même si ce n'est pas le cas, ce déploiement accroit
considérablement les risques d'accident nucléaire car la Chine
et la Russie affirment qu'ils placeront leurs forces nucléaires
en état d'alerte maximale, et relance la course au surarmement
avec comme première mesure de rétorsion russe, un nouveau projet
d'installation de missiles SS-28 en Biélorussie et dans l'enclave
de Kaliningrad. L'Europe, dépendante du gaz russe se retrouve
menacée tant au niveau économique que comme cible militaire.
Les États-Unis recherchent la suprématie nucléaire pour rendre
le monde sécurisé pour l'économie américaine. Des raisons sont
vraisemblablement liées au succès des économies indienne et
chinoise ainsi qu'à la nécessité de contrôler les
ressources en hydrocarbure. La Russie possède 31% des réserves
mondiales de gaz, la Chine, 15%... D'autre part, 2007 est aussi
probablement l'année du pic pétrolier, ce qui signifie que la
moitié des réserves mondiales sont épuisées. La production mondiale
est appelée à baisser d'environ 2 à 3% par an dans un contexte
de tension où des pays comme la Chine augmentent leur consommation
de pétrole de 7% par an. Comme les pays du Golfe persique, la
Chine possède une arme de pression sur la devise américaine
avec la possibilité de transferts massifs vers l'euro fragilisant
ainsi une économie surendettée. Même si un rapport récent des
services secrets américain montre que l'Iran n'est nullement
sur le point de disposer de l'arme nucléaire, la géostratégie
impose par ailleurs que les États-Unis confirment leur suprématie
dans les seuls domaines ou leur supériorité est avérée, le militaire
et la technologie, domaines décisifs pour les prochaines années
[2].

Schéma du bouclier antimissile que
souhaite mettre en place l'OTAN
Cinq bases de stations Radars du bouclier antimissile au
Royaume-Uni :
Les États-Unis comptent utiliser les nombreuses bases
sur le sol britannique (qui accueille déjà des centaines d'ogives
nucléaires américaines) pour ce projet de bouclier antimissile
[3]. Selon un sondage de l'Institut Yorkshire CND/ICM, 67% des
Anglais sont opposés au projet de bouclier antimissile. Toutefois,
aucun débat significatif n'a encore été organisé au parlement.
Des protestations sont régulièrement organisées devant les deux
principales bases de ce dispositif, Menwith Hill et Fylingdales,
et la pression devrait monter dans les mois prochains.
Projet d'installation de 10 missiles intercepteurs en Pologne
:
Longtemps écartelée entre l'Allemagne et la Russie, abandonnée
en 1939 par la France et l'Angleterre, la Pologne est tentée
naturellement par un rapprochement avec les États-Unis.
Le choix de ce pays, membre de l'OTAN depuis 1999 n'est sans
doute pas le fruit du hasard. Les États-Unis prévoient
d'installer 10 missiles intercepteurs dans une ancienne base
de l'armée soviétique sur une commune non loin de Szczecin,
au nord-ouest de la Pologne près de la mer Baltique. Le maire
de la commune concernée a interpelé le gouvernement actuel sur
ce projet. Il lui a été répondu qu'il n'avait pas son mot à
dire. Il a alors interpellé directement l'ambassadeur des États-Unis
qui lui a fait une première réponse. Cela a fait un scandale
et le projet de bouclier antimissile a alors été abordé dans
la presse polonaise.
Rencontre avec Joanna Wrobel, responsable des jeunes socialistes
(FMS, Federacja Mlodych Socjaldemokratow) dans un café de Wroclaw,
4e ville de Pologne, capitale de la Silésie, et surtout, ville
où fut fondé le Congrès national pour la Paix à l'occasion du
Congrès mondial des intellectuels pour la Paix de Wroclaw en
août 1948, où ont notamment participé pour la France, Pablo
Picasso, Fernand Léger, Paul Éluard et Irène Joliot-Curie.
"Il n'y a pas en Pologne de mouvement pacifiste organisé. Bien
que l'opinion publique y soit plutôt opposée, et que l'Institut
CBOS de Varsovie a révélé que 56 % des personnes interrogées
s'opposent à l'installation d'une base sur le territoire polonais,
les partis politiques et les syndicats sont focalisés sur des
questions concrètes liées au pouvoir d'achat, au domaine social.
La coalition des partis de gauche (50 sièges sur 460 à la Diète)
est opposée au projet. La droite conservatrice des frères Kaczynski
(Loi et Justice, i.e. PiS) y est favorable, quant au centre
droit (PO) du nouveau Premier ministre Donald Tusk, qui vient
d'annoncer un retrait des troupes polonaises stationnées en
Irak pour l'été 2008, il reste pour le moment indécis [4], et
ce dernier a déclaré récemment lors d'une visite des troupes
polonaises en Irak « nous avons tout notre temps, nous pouvons
attendre ». Gêné, le gouvernement, traite cette question comme
un nouveau programme de l'OTAN parmi d'autres. Il n'y a pas
encore eu de discussion par rapport à ce programme, la situation
pourrait changer lors la question sera abordée au parlement.
"
Une manifestation a eu lieu en Pologne en mars 2008 contre
le bouclier antimissile [5].
La gauche polonaise noue actuellement des contacts avec les
organisations tchèques mobilisées contre ce projet américain
de bouclier antimissile. Cela pourrait se concrétiser par des
actions communes sur cette question à la frontière entre la
Pologne et la République tchèque. Toutefois, Donald Tusk a finalement
cédé aux demandes américaines d'installer
la base de missiles intercepteurs en profitant de l'émotion
qui a suivi le conflit russo-géorgien en août 2008...

Wroclaw, décembre 2007, Joanna Wrobel
(Mouvement des Jeunes Socialistes Polonais) et Patrice Salzenstein
(Mouvement de la Paix)
Un Radar géant à l'ouest de Prague?
En Répubique tchèque où les États-Unis souhaitent installer
une base radar [6,7,8], autre pièce maitresse de leur dispositif
de bouclier antimissile en Europe, le gouvernement de large
coalition est nettement plus partagé sur la question. L'opinion
publique est opposée à ce projet [9], 70% des Tchèques y sont
opposés et 77% souhaitent un référendum sur la question, et
des manifestations ont été organisées, notamment cet été, par
les partis de gauche et des organisations telles que Greenpeace.
Envoyée en ambassadrice, Madeleine Albright a choqué lorsqu'elle
a déclaré que « même si les Tchèques et leur gouvernement ne
voulaient pas de ce radar, ils n'avaient pas leur mot à dire »,
du fait que la République tchèque est dorénavant membre de l'OTAN
et se doit d'appliquer ce que le commandement de l'OTAN décide.
De quoi heurter des sensibilités dans un pays tout juste sorti
du giron soviétique et fier de son indépendance. Si le principe
de l'installation de la base radar US a été validée
le 8 juillet 2008 lorsque C. Rice est venue signer un traité
américano-tchèque [10] qui doit encore toutefois
être approuvé par le parlement, les récentes
victoires éléctorales de la gauche remettent en
question cette base. Le 19 octobre 2008, David Rath qui devrait
devenir le prochain gouverneur de la Boheme centrale a annoncé
aux journalistes qu'il demanderait la tenue d'un référendum
sur la base militaire de Brdy, au sud ouest de Prague, base
radar du bouclier antimissile US en république tchèque [11].
Le "combat" continue contre le bouclier antimissile...

Manifestation à Prague en 2007

Affiche contre l'installation de la station
Radar à l'ouest de Prague
Et quid des débats en France?
Le Mouvement de la Paix souhaite lancer le débat [12].
Des articles récents dans "Le Monde " du 17
mars 2008 [13], dans les Echos du 7 mars 2008 [14], à
Radio Prague le 8 janvier 2008 [15]
Références:
[1] US National Space Policy, 31st August 2006, p2, section
2 accessible à http://www.ostp.gov/html/US%20National%20Space%20Policy.pdf
[2] http://www.banthebomb.org
[3] http://www.cnduk.org/
[4] Dépêches
2008 relatives au bouclier antimissile.
[5] http://mvtpaix25.free.fr/2008/080331-manifestation_in_poland.htm
[6] http://www.greenpeace.org/czech/footer/vysledky-hledani?q=radar
[7] Page tchèque en langue anglaise: "No base initiative":
http://nezakladnam.cz/en/425_about-the-initiative
[8] Site pacifiste en langue tchèque: http://www.vrtetiradarem.cz/
[9] Sondage
publié le 8 janvier 2008.
[10] Planète
Paix, Août-Septembre 2008, No 534, page 18.
[11] "Rath
plans regional referendum on U.S. radar on Czech soil",
Ceske Noviny, 19 octobre 2008
[12] http://mvtpaix25.free.fr/2007/071231-non-au-bouclier-antimissile.htm
[13] Bouclier
antimissile US: les Russes doivent faire des efforts (Gates),
(Le Monde, 17 mars 2008).
[14] Le
bouclier antimissile américain : un débat délicat en Pologne,
(Les Echos, 7 mars 2008).
[15] Radio
Prague, 8 janvier 2008
première
version écrite à Wroclaw le 20 décembre
2007, mise à jour régulière